Equipements

Commissariat de Police, Ermont, Val d’Oise


Maîtrise d'Ouvrage

SGAP de Versailles DEL-BAI
Communauté d'Agglomération Val et Forêt

BET TCE

SIBAT, Paris

Programme

Espaces Intérieurs: 2 240 m2
Salle de Sport, Gardes-à-Vues, Bureaux, Salles de Réunion, Pôle de Contrôle
Espaces Extérieurs: 4 285 m2
Parvis, Patios, Parkings

Entreprise

CERP, Cormeilles-en-Parisis

Coût Total

8 779 264,50 € HT / Valeur Septembre 2010

Photographe

Hervé ABBADIE, Paris

PRINCIPES

L'architecte Henri Ciriani propose une grille d'analyse convoquant trois aspects traitant de la capacité d'une œuvre architecturale à perdurer. "La règle des trois P: Présence, Permanence, Pertinence", trois mots qui posent chacun un principe auquel aucun édifice ne saurait se soustraire.
La "présence", comme premier principe, confirme tout d'abord la nécessité de la lisibilité de l'édifice, de cette justesse qu'offre toute œuvre construite par son échelle, son rapport à l'horizon. Le principe de "présence" n'a pas pour but de transformer un édifice en monument solitaire, de le rendre "sur-présent" par rapport à ses alentours. La "présence" se réfère à l'harmonie, à l'équilibre des vides et des pleins, à l'aspect synchrone de ce que le construit a su transformer par rapport à ce qui précédait.
La "pertinence" renforce la "présence". Elle en révèle sa qualité et mesure ce que l'édifice a su renouveler du simple énoncé de son programme. La qualité des entrées, de l'usage des espaces extérieurs et intérieurs, l'intelligence des dispositifs formels et lumineux associés à la destination du bâtiment, prouvent à l'édifice la raison de sa construction, la justification de sa "présence".
La "permanence", elle, s'adresse à la durée, à l'évolution de la "présence" de l'édifice dans le temps et l'histoire, sa résistance aux attaques du climat et des éléments extérieurs. A la vérification de la "pertinence", pourrait-on ajouter. Une fois construit, l'édifice révèle un contexte modifié et doit le pérenniser, continuer à prolonger la qualité architecturale urbaine et paysagère en résistant de surcroît aux phénomènes de modes qui tenteraient d'en altérer l'intemporalité.

MURALITE SOULEVEE

"Le mur est là, opacité majeure. Nous comprenons ce processus de retour à la muralité comme une volonté de déconnecter architecturalement la question du contexte de la question de la fonction. Il ne s’agit pas de revenir sur la fonctionnalité ontologique de l’architecture moderne, mais de proposer un autre arbitrage entre le contexte d’un édifice et sa destination sociale. À l’extérieur, l’opacification d’une forme architecturale la requalifie en événement du paysage, la rapporte à cette échelle de perception ; elle ne parle plus directement de son contenu, mais se propose d’abord comme élément de contexte ; elle complète, restructure ou réinterprète une situation existante selon ce processus souvent qualifié d’intégration au site. À l’intérieur, privée de son rapport prédominant à l’autre, la fonction se développe sur elle-même, se résout et effectue au sein du projet son propre déploiement. Elle cherche sa lumière, fabrique un paysage secret dans lequel elle invente son horizon qui n’est plus alors partagé alentour. "
Judith Rotbart et Laurent Salomon, Le Visiteur 15.
Le concours du gymnase Schomberg pour la Ville de Paris en 2004 avait été l'occasion de tester l'idée d'un volume léger et métallique, une salle de danse en l'occurrence, encastré dans un volume de béton blanc, lui aussi soulevé, contenant des vestiaires et des bureaux. Alors que les espaces du gymnase se développaient dans la profondeur de la parcelle, cette volumétrie permettait à l'édifice de structurer une rue parisienne en une continuité linéaire. Ce dispositif permettait deux stratégies lumineuses différentes: la relative opacité de la paroi de béton blanc soulevée, percée de lamelles verticales vitrées, permettait à la lumière naturelle de pénétrer à l'intérieur des bureaux alors que la salle de danse s'offrait comme un attique rendu léger par sa translucidité. La gravité aidait le volume supérieur à construire une apesanteur.
La construction du commissariat de police d'Ermont prolonge cette réflexion projectuelle entamée lors de ce concours. Les éléments du programme prescrivaient une sécurité renforcée pour le personnel travaillant au sein des bureaux devant être alignés sur les deux voies principales. La nécessité des vitrages pare-balles se double par l'ajout de brises-vues verticaux métalliques, de même teinte que le béton blanc, afin d'engendrer une continuité linéaire de la matière. Le béton blanc de la paroi, qu'ici le calepinage vertical de ses banches prolonge par les lamelles verticales métalliques, parvient à assurer une continuité. La seule rupture de la ligne est constituée par le volume encastré de la salle de sport, identifiée et reconnaissable par sa légèreté et sa translucidité.
Alors qu'elle se détachait de la paroi du gymnase, elle repose ici sur une paroi soulevée en béton blanc le long de l'avenue. Son volume est perçu comme suspendu. Encastrée dans une paroi déjà soulevée, la salle de sport se soulève deux fois : une première fois depuis le sol, une seconde depuis la paroi. Ce double soulèvement a pour effet de rendre plus légère la paroi en béton et la salle de sport plus aérienne.

ANGLE

L'avenue Georges Pompidou et la rue Richepin offrent un angle que l'architecture de tout édifice siégeant là avait le devoir de qualifier. Notre commissariat propose de transformer cet angle en parvis, d'anoblir une simple implantation en qualité urbaine. Le Parvis du Commissariat devient un espace repérable, urbain, appropriable. Puis il entre dans le bâtiment, s'y renouvelle en tant que Hall. En invitant toute la population à parcourir son hall et ses services, le Commissariat gagne un statut de bâtiment public, abritant des cellules de détention provisoire, des bureaux d'audience et de plaintes et des salles d'interrogatoires. Son programme est complexe, rassemble plusieurs usages et plusieurs parcours définis, certains ne se croisant pas. Le public est reçu, mais jusqu'à une certaine limite au-delà d laquelle la sécurité prime. Il faut qu'un hall révèle plus qu'il ne montre. Qu'il révèle de la lumière, de l'espace, de la hauteur et de la profondeur, qu'il invite et qu'il filtre, tout cela au jeu d'une surveillance permanente. Le hall d'un commissariat, comme toute entrée d'une institution publique est un espace de représentation de l'État et de ses instances. Ouvert et généreux, il signifie la sécurité et la bienveillance en gagnant une présence civique, un statut et une présence.

QUESTIONS

Avant sa construction, le site de ce bâtiment était presque "muet". Quelques habitations sans aucune typologie reconnaissable, un centre commercial, un parking et une voie ferrée en fond de parcelle. Un site comme il en existe tant d'autres, parfois aux abords des agglomérations, offrant ici comme seule qualité un emplacement vacant le long d'une voie automobile. Le pari de ce Commissariat était de transformer le site, de le charger d'une présence qu'il ne possédait pas, de lui donner une qualité urbaine et paysagère dont les éléments originels étaient évacués.
Un Commissariat, nous dit-on, est un bâtiment dont le programme se rapproche de celui d'une forteresse, quasi inattaquable. Une forteresse, certes, un bastion, un ensemble défendu et sécurisé.
"À cet édifice prestigieux dans lequel beauté et luxe s'associent à la mémoire du pouvoir absolu et des coutumes archaïques, le "Schloss" allemand ajoute une caractéristique importante qui n'est pas présente dans le "Castle" anglais ou le "château" français, puisqu'il n'évoque pas seulement le bâtiment mais son aspect "entouré". ("Schloss" veut aussi dire "fermé" et se trouve en relation avec plusieurs verbes qui expriment la clôture). De ce fait, toutes les qualités morales, sociales, spirituelles et esthétiques implicites dans l'image s'apparentent automatiquement en tant que valeurs de défense depuis l'intérieur, littéralement  comprises comme "en dedans"."
Walter Abish, in "The Future Perfect", New York, 1989.
Forteresse, château fort peut-être, un commissariat possède un périmètre sécurisé. La muralité s'offre comme réponse première à cette nécessité. Elle a pour effet l'isolement de l'édifice  au monde immédiat pour qu'il puisse le contrôler, le sécuriser. Un Commissariat est un "dedans" qui abrite les fonctionnaires de police qui surveillent les quartiers urbains et gèrent les alertes. Un commissariat est un monde protégé et protecteur.
Le travail architectural permet grâce aux diverses manipulations, de déjouer les littéralités: Renverser les définitions premières, créer des relations paradoxales pour construire des qualités. Alors que l'opacité se réfère généralement à l'obscur, elle possède une tout autre qualité. Judicieusement placée, une paroi prend la lumière, la dirige mais ne l'absorbe pas, convertit cette prise en profondeur et en spatialité. Comme si l'espace n'avait que la paroi pour exister, pour rendre présent les choses, le corps et le mouvement. La construction de l'espace se sert de la paroi et de l'opacité pour cadrer le sol et le ciel, pour rendre l'horizon proche ou lointain, pour suivre la course du soleil et en maîtriser les impulsions lumineuses.
Notre pratique architecturale a déjà su démontrer les résultats de ce travail. Le siège de la Communauté de Communes de Cattenom (Lorraine) avait  prouvé qu'une simple paroi pouvait se mélanger au paysage sans brutalité ni solitude. De même, les parois aveugles des corps de fermes n'ont jamais prétendu se séparer du monde alors qu'elles se protègent des vents et du climat. La muralité de la paroi est une stratégie architecturale qui, protégeant le monde intérieur de l'édifice en révèle son mystère, son secret, traitant l'espace comme un bijou autour duquel il faut construire l'écrin. Les deux parois opaques du siège de la Communauté de Communes de Cattenom cadrent un paysage, construisent une entrée de ville et illuminent un parvis. Intérieure ou extérieure, la paroi possède une qualité lumineuse que le travail architectural a pour but de révéler. La qualité intrinsèque d'une paroi n'est pas de rendre opaque, mais de profiter de l'opacité, de sa capacité à illuminer et éclaircir.
A l'intérieur du commissariat d'Ermont, les circulations intérieures des bureaux s'ouvrent sur des espaces extérieurs imperceptibles depuis la rue. La journée de travail est illuminée par l'intérieur de l'édifice et les vues à travers les patios se croisent et développent des profondeurs visuelles illimitées.
La construction d'un bâtiment, aussi proche soit-elle du programme fonctionnel à laquelle elle répond, doit aussi savoir le dépasser pour l'enrichir. La leçon du commissariat d'Ermont prouve la richesse de ce dépassement, et en construit ses qualités. Nous avons bâti un édifice qui offre la possibilité de résoudre les contradictions entre le programme fonctionnel (limiter les vues le plus possible) et le programme architectural (les ouvrir le plus possible), prouvé au monde alentour que construire cette image de solidité peut inviter la transparence, que l'opacité peut être perçue autant comme accueillante que comme une solution de pérennité et de solidité.